Ou! Et?







    La notion d’intrigue et de surprise a toujours été au centre de ma création. Je veux non seulement ouvrir le sens des objets que je modifie, mais aussi provoquer l’incertitude. Les Grecs appellent cette incertitude aporia on la pose comme déclencheur de la réflexion philosophique.  L’aporia ou,littéralement traduit, l’impossibilité de passage passe par le puzzlement. Celle-ci est souvent provoquée par des possibilités de réponses contraires et/ou contradictoires et/ou également valables à une problématique. On pourrait être porté à se représenter le concept comme un mur lui bloquant le chemin, un cul-de-sac, une impasse, mais ce n’est pas ainsi que je le conçois ni que les Grecs anciens semblaient se l’imaginer. Alors que le mur ne laisse rien entrevoir et ne donne aucune piste, c’est plutôt l’exploration de différentes avenues qui est fertile et pertinente. C’est cette multiplicité complexe, illogique et contradictoire qui pousse le sujet vers un examen de soi, de la réalité et surtout, de sa compréhension de la réalité. Lorsqu’il faut choisir entre plusieurs réponses également valables, mais contradictoires, incompatibles, irréconciliables, il me faut me pencher sur moi-même, évaluer mes connaissances et surtout réévaluer mon processus cognitif. Quel est le système qui structure mes choix et comment puis-je l’appliquer ou le modifier afin qu’il convienne à la présente situation? Pour ce faire, j’ouvre des portes, visite de nouveaux endroits et revisite ceux que je connais déjà. C’est une introspection qui requiert une certaine humilité envers soi-même et provoque ainsi la plus grande ouverture d’esprit.






  Le hibou est le symbole de la sagesse et de la philosophie. Une des raisons de cette association est certainement sa capacité de voir dans le noir. Mais il ne faut pas oublier que c’est un oiseau de proie; il se nourrit d’autres oiseaux, mammifères et insecte pour survivre. À le regarder sous cet angle, on pourrait dire de lui qu’il est violent, si la violence est un concept applicable au règne animal et non seulement aux humains. Mais le hibou est un animal particulier, en ce qu’on lui donne justement cet aspect rationnel. Rationalité et violence vont-elles de pair? Si on me demandait de choisir un animal emblème pour la rationalité, je ne crois pas que je prendrais un prédateur. Alors, comment concilier les deux?

 




    Alors que j’étudiais en philosophie à l’UQAM, j’ai eu la chance de suivre des cours de Christian Saint-Germain. Excellent pédagogue, philosophe et orateur. Un pouvoir d’analyse hors pair. Un des cours qu’il donnait était “critique de la rationalité”. Je ne comprenais pas. La rationalité est l’outil ultime du philosophe, de l’humain. Nous étudions en philosophie. Quelle critique pourrait-on émettre contre elle? De plus, quel programme s’autocritique? Certainement pas technique policière en tout cas, car il ne connaissent même pas l’origine même de leur propre profession (si vous aussi l’ignorez, une simple recherche servira à vous étonner et vous faire comprendre le rôle qu’ils occupent dans la société). Quoi qu’il en soit, le philosophe critique son propre outil devant lequel il s’est toujours émerveillé. La philosophie occidentale débute justement avec la naissance de la rationalité chez les Grecs. De la raison à la déraison. Je crois que le hibou prend tout son sens dans cette optique de pouvoir que l’on peut mettre à mauvais usage. C’est pour cela que l’on a choisi un prédateur. La raison n’est pas ultime, mais elle règne.






    Les Grecs avaient surement vu le potentiel destructeur de la raison que l’on a pu observer près de deux millénaires plus tard à son apogée dans la Deuxième Guerre mondiale. Hibou, animal de présage à double visage.




 

    En avez vous déjà vu dans la nature? Je n’ai pu qu’en observer un, une fois. Je n’ai pu le remarquer que parce qu’il s’est envolé et a ainsi attiré mon regard. C’était l’automne et les feuilles étant tombées, j’ai pu l’observer alors qu’il s’éloignait de moi. C’était tellement smooth et silencieux. Je n’ai jamais rien vu de tel.







  Mais la relation de violence de cette raison et de l’animal est établie contre quelque chose; elle n’est pas dirigée dans le vide. Comment peut vivre cette autre forme, qu’elle est sa nature et son rôle? Que serait l’humain sans cet outil qui le définit et dans lequel on place la raison?










Ou! Et?
Devant ces choix, sommes-nous un par assemblage, ou restons-nous divisés par une irréconciliable impossibilité?










Remerciements:



    Je remercie bien évidemment mes parents qui m’ont soutenu dans mes études et mon cheminement de vie. Ces œuvres que je présente ont été en presque totalité réalisées dans mon nouvel atelier au chalet familial, dans les Laurentides. Le bon air frais de la forêt, les rencontres avec les animaux ainsi que les baignades dans le lac m’ont certainement inspiré la création de ce corpus. De plus ils se sont occupés de l’alcool pour le vernissage.

    Je remercie Téhu et Jérôme Dupuis Cloutier qui sont venus faire un jam lors du vernissage. L’idée était qu’à travers le looping matriciel de Téhu (analogue à mon looping de forme), Jérôme puisse donner une ligne directrice, comme le jam de glaçures et finis divers que j’emploie sur mes pièces.

    Je remercie Sarah Nolin, qui m’a aidé à faire le montage de l’exposition.
   
    Je remercie Martin Nadeau et la revue Inter qui feront paraître dans leur numéro d’octobre 2019 un article sur cette installation.
       
    Je remercie aussi fortement Jean-Michael Seminaro pour l’archivage photographique de l’exposition. Toutes les photos de cette exposition sur le site, de même que toutes celles que vous voyez sur cette page lui sont créditées.

    Je remercie Kaspar Nolov pour m’avoir aidé formidablement pour l’éclairage de cette exposition. Nous partagions la même vision dramatique et dynamique “old school german schule” et il a réellement su créer le bon éclairage pour mettre en valeur les œuvres particulières et l’installation dans son ensemble.

    Je remercie aussi certainement Sébastien Vachon, le technicien en moulage de l’Université Laval et mon mentor. 
   
    Je remercie aussi finalement tous ceux qui sont venus voir mon exposition, l’ont partagé, ont invité des amis et proches et évidemment ceux qui en plus m’ont acheté des œuvres.