Nature humaine: Nuée





    Cette exposition est ma première exposition solo. On pourrait même dire que c’était ma première exposition point. Je l’ai réalisée alors que j’étudiais à la Maîtrise à l’Université Laval au mois de février. C’est donc 6 mois après avoir débuté la maîtrise et seulement 4 mois après avoir démarré ce projet que j’ai présenté 99 œuvres céramiques et une douzaine de cyanotypes.




    Ce projet est parti d’une idée de moulage que j’avais d’une vieille accroche murale que j’ai toujours aimé, mais détesté à la fois. Elle m’attirait, mais me rebutait en même temps. Après l’avoir moulée telle quel, puis mettre rendu compte que cette copie que j’avais produite ne valait rien, j’ai réussi à isoler ce qui clochait. Non seulement la forme était-elle banale sauf pour quelques parties, mais en plus elle se donnait pleinement. Pour moi, l’énigme est beaucoup plus intéressante par sa capacité à nous faire réfléchir. Le problème (l’un d’entre eux du moins) de cet objet c’était qu’il n’était pas problématique. Il se présente tel que tel, et ne désigne rien de plus. Il fallait ouvrir le sens pour en faire une œuvre, il faisait poser une question pour faire de la philosophie.  




    Je me suis donc affairé à altérer cette reproduction pour faire une œuvre originale en suivant quoique toutefois instinctivement les principes énoncés plus haut. Il faut dire que cette analyse que j’en produis maintenant ne m’était même pas venue à l’esprit lors de la création: lorsque je crée, je crée. Je ne pense pas, j’écoute. Donc, cette mère première que je produisis eu l’effet d’une petite bombe, intrigant tous ceux qui en faisait l’expérience. J’eus donc idée de la mouler et d’en faire des copies. L’idée de départ était d’en produire 100 (j’en ai exposé 99 sans m’en rendre compte) et de les faire tout orange. Ou orange et bleu. Mais après en avoir fait une ou deux, je me rendis bien vite compte que la répétition ne m’intéressait pas. Ce que j’aimais, c’était l’exploration, l'expérimentation. Or, c’est bien là que tient le travail de l’artiste, je crois, dans l’expérimentation.




    Je me mis donc à individualiser chacun par la coloration finale que je lui donnais. Finalement je me suis aussi mis à individualiser les formes elles-mêmes directement, en les modifiant alors qu’elles étaient fraîchement démoulées. C’est à l’aide de tout ce qui trainait dans l’atelier autour de moi que je me mis à les percer, à les couper, les tordre, etc. Je me suis occupé comme on dit. De 9h à 16 dans l’atelier de moulage, souper à l’appart, puis retour en atelier pour glacer ou préparer les cyanotypes pour le lendemain.




    Parlant de cyanotypes justement, j’ai débuté la maîtrise en photographie analogue et développer en chambre noire. J’avais acheté un kit de cyanotype, j’ai essayé de faire des photogrammes sur tissus et je suis tombé en amour. Avec les couleurs, les nuances, le mouvement. Mon premier cyanotype, je l’ai toujours.



    Finalement j’en ai fait et j’en ai fait, en expérimentant les variations de teintes. Puis j’ai désigné un type de cadre en chêne, je les ai réalisés avec François Raymond de l’atelier de bois. C’était un défi technique, mais qui, je crois, en valut vraiment la peine.





   
    Puisque c’était la première fois que j’exposais, il y avait plein de questions que je me posais. L’une d’entre elles était nécessairement celle du prix: combien vaut une œuvre d’art? Et encore plus : Combien vaut MON œuvre d’art? Je m’étais dit 200$ par pièces au début, puis après peut-être 100. On m’a dit: “faut pas vendre pas cher, tu fais le l’art, pas de l’artisanat. Faut pas mélanger, faut que le monde comprenne”. Moi j’étais mélangé. Puis j’ai vu clair. 19.99$. C’était le prix d’une œuvre. Je voulais plusieurs choses de cela:
  1. Rendre accessible mon art à tous
  2. Qu’il change les gens grâce à son contact constant dans l’habitation
  3. Établir un point: l’art est une nécessité alimentaire, et si l’on applique les règles de l’industrie (que je n’adopte évidemment pas en individualisant chaque moulage), il devrait être accessible à tous. L’art n’est pas une qualité coûteuse, il est une qualité sensible. Et ce 19,99$, c’était un retour à l’objet d’origine que j’avais moulé et modifié.

    Cette idée d'accessibilité et de nécessité de l’art est toujours présente dans mon travail et je cherche à le faire grandir ainsi. J’en parle dans la section Démarche du site si cela vous intéresse.






  Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de spécifier que durant les quelques jours que dura l’exposition, j’en ai vendu une quantité incroyable. J’ai même rencontré une collectionneuse qui m’en acheta 15 et chez qui j’ai été faire une installation. Elle m’a dit qu’elle les voulait sur le mur de sa chambre puisqu’ils l’inspiraient une envolée et l’aiderait ainsi à se lever chaque matin! J’ai fait de belles rencontres, pris de l’expérience et vu que bien qu’une exposition de ce genre demandait un travail fou, c’était réalisable. La prochaine ne saurait trop se faire attendre.


Remerciements:


    Je remercie pour cette exposition ma première directrice de maîtrise, Joëlle Tremblay qui a su sans aucun doute me laisser assez de place pour que j’explore librement le fond de moi-même, sans jamais me freiner d’une piste qui s'avérait déjà non-avenue pour un regard extérieur, mais qu’un jugement hâtif aurait empêché la fleur de naître.

    Je remercie aussi certainement Sébastien Vachon, le technicien en moulage de l’Université Laval et mon mentor. C’est lui qui m’a fait découvrir le moulage en céramique, qui m’a accueilli dans son atelier, qui a été conciliant quant à l’espace (3 tables) que j’occupais chaque jour pour produire mes œuvres, les cycles infinis de cuisson, et les bons rires!

    Je remercie aussi Louis, Clémence et Sarah pour avoir organisé la réception du vernissage au rocambolesque montant assommant!
   
    Je remercie Emmanuelle “Manue” Hoarau pour l’éclairage et le soutiens dans l’installation.

    Je remercie bien évidemment mes parents qui m’ont soutenu dans mes études.

    Je remercie finalement Matante, qui m’a aidé à me relever le matin même alors que je pensais que c’était devenu impossible, qui m’a aidé à finir mes cadres, à fixer des attaches aux œuvres, à faire l’accrochage et l’installation de toutes ces œuvres et qui me soutient toujours dans mes projets.