Natural Fun!
Cette exposition-installation a été présentée en septembre au square Dorchester à Montréal. Elle faisait partie de l’événement Artch qui a comme mission d’aider les artistes à présenter leur travail dans des milieux professionnels et à le vendre. Pour ce faire, ils fournissent aux artistes sélectionnées (une vingtaine sur plus de 150) une formation intensive de 3 semaines portant sur l’artiste et son milieu. Ce segment éducatif porte principalement sur l’artiste en tant qu’entrepreneur avec des formations données par des professionnels du milieu. En plus de cette formation, une bourse d’aide à la production est accordée aux artistes. Finalement, le point culminant est l’exposition dans le square Dorchester, où nous pouvions investir notre module de 16’ x 16’ librement. L’installation que vous voyez est celle que j’ai présentée.
J’ai investi le booth avec mes sculptures (pas de cyanotypes ni de toiles cette fois) ainsi que deux nouvelles additions; les machines distributrices. Vous vous souvenez peut-être de celle qui était au centre de l’exposition Pingo et qui pour 25cents distribuait des fragments de céramiques en vrac. Il y a longtemps que je voulais investir d’autres machines et trouver d’autres modes de distribution. De plus, j’avais vendu celle de Pingo à une foire de Toronto, et je voulais la remplacer. J’ai donc créé deux nouvelles machines. Celle-ci servait originalement à distribuer des autocollants et des bonbons. Pour 1$, le consommateur recevait un autocollant ainsi qu’une gomme. J’ai remplacé le mécanisme pour que le coût soit de 25cents (je suis smath de même) et les autocollants par des cartes d’affaires (plus de 10 modèles différents) signées et numérotées à la main. Et en lieu de la gomme, de bonnes Jelly Beans...Miam!
J’ai décidé de conserver l’arrière-plan d’origine, de mettre en display quelques modèles de cartes d’affaires ainsi que d’écrire business cards pour annoncer ce que distribuait la machine. Durant les 4 jours de l’évènement, j’ai VENDU plus de 100 cartes d’affaires. Ce qui est drôle c’est que je croyais au début que les gens allaient acheter la carte et recevoir en boni les bonbons. Le fait est, que plusieurs passants furent tellement attirés par les bonbons qu’ils ne comprirent même pas qu’il s’agissait de cartes d’affaires. Ils achetèrent donc ces délicieuses friandises, et reçurent en bonus une carte d’affaire! Dans ce sens, le marketing est peut-être encore meilleur!
La deuxième distributrice fonctionne sur le même principe que celle de Pingo, c’est-à-dire qu’elle distribue des fragments de céramiques. Mais contrairement à cette première, les fragments sont enfermés dans des capsules 2”. Cela facilite la conservation de l’œuvre, mais change aussi son mode de perception. J’aime voir cette capsule comme un cadre ou un socle, établissant une distance entre le réel et l’objet d’art, ou l’icône.
J’aime aussi voir cette œuvre (la bonbonnière) comme une installation. Elle contient plusieurs œuvres les capsules, qui à leurs tours pourraient être considérées comme une installation. Chaque fragment compte comme une œuvre, mais leur ensemble suffit à en créer une autre. C’est dans cette optique que je conçois plus globalement mon travail. Certains (surtout) les gens dans le milieu des arts contemporain, argumentent que mon travail ne se situe pas dans l’œuvre individuelle, mais plutôt dans l’ensemble des pièces et leurs relations. L’œuvre individuelle ne servirait que comme souvenir de l’installation visitée. Selon eux, je ne devrais pas vendre les pièces séparément, puisque c’est l’intégrité de l’ensemble qui devrait primer.
Je suis d’accord avec cette idée que l’œuvre individuelle opère différemment que celle contenue dans l’ensemble. Je vois aussi l’ensemble comme une œuvre, ce n’est pas pour rien que je procède par installation dynamique et que je skip la présentation muséale classique. Mais je crois que les deux niveaux sont primordiaux. Je pense que lorsque quelqu’un achète une de mes œuvres et l’installe dans son espace de vie, la capacité de provocation de la réflexion philosophique est décuplée. Par exemple, l’ami en visite qui tombe sur cette œuvre est vraiment plus propice de se poser des questions sur l’identité de celui-ci.
De plus, l’objectif pour moi est que l’œuvre remplace l’objet de consommation débile. Je pars de ces objets cons pour produire mes œuvres. Je les modifie afin d’en ouvrir le sens, puis je les moule et les individualise. Pour moi, l’art devrait prendre la place du non-art partout dans le monde. L’art n’a pas à coûter plus cher que la babiole s’il suit les principes industriels. Or, je crois que l’art tient dans la forme et, ce faisant, il peut emprunter les techniques de production industrielle. C’est bien l’attitude que Dürer a mise en pratique lorsqu’il s’équipa de presses et qu’il appliqua un procédé, alors exclusivement industriel, à l’art. C’est ainsi que son rhinocéros put se retrouver chez tous. Le bas coût de ses œuvres et la grande distribution possible de celles-ci ajoutèrent une nouvelle dimension économique et sociale à l’art. Non seulement un cordonnier pouvait-il acheter une œuvre et vivre avec elle, de plus était-il amené à se questionner sur de nouveaux territoires, de nouvelles créatures, de Nouveaux Mondes. Comment l’expérience directe de cette œuvre ne serait-elle pas une ouverture de soi, un regard externe que l’un jette sur sa propre condition en rapport à l’autre? Cette double approche d’accessibilité est possiblement la position la plus humaniste qu’un artiste puisse adopter non seulement parce qu’elle rend l’art disponible à tous, mais aussi parce que ce faisant, elle le reconnait, le positionne et l’affirme comme caractéristique et nécessité intrinsèque de l’existence humaine. Celui qui ne pourrait exploiter cette facette de son humanité caractérisée par l’art se voit obligé de renoncer à une partie fondamentale de sa nature.
C’est en partant de ce principe qu’il faut, je crois, baser la production et la distribution de l’art. Il est évident que les besoins sont multiples, il est donc non seulement normal, mais aussi nécessaire que ce processus se déploie sur plusieurs niveaux. Mais il demeure que l’art doit entrer en compétition avec le médiocre et gagner contre lui. La valeur esthétique et sociale de ce dernier étant nulle, l’art doit remporter la bataille populaire. Pour le faire, il ne lui reste qu’à appliquer les mêmes stratégies économiques que l’autre afin de le défaire. L’art n’est pas un luxe, il est une nécessité alimentaire: c’est un produit de base qui ne devrait pas être taxé. L’art est pour tous, nécessaire à tous, et doit se retrouver chez tous. L’art est populaire. L’art est liberté.
Statistiques:
Plus de 100 cartes d’affaires numérotées et signées vendues.
Plus de 50 capsules contenant des tessons vendues.
27 oeuvres murales de vendues.
2 sculptures vendues.
Remerciements:
Je remercie Sarah Nolin qui m’a pris une journée pour m’aider dans la composition et l’accrochage de cette installation!
Je remercie toute l’équipe de Artch qui a rendu cette aventure possible.
Un grand merci aux photographes qui ont immortalisé le travail.
Les photographies numéro 1,4 et 9 sont attribuées à Thierry Du Bois.
Les photographies numéro 2, 3, 5, 6, 8 sont attribués à Jean-Michael Seminaro.
La photographie numéro 7 est attribué à Mike Pattern.
Finalement un grand merci à mes parents pour le support et toute la logistique du matériel lors du montage/démontage.