Démarche:

    Le procédé matriciel est au centre de la création de mes œuvres. Mais alors que la spécificité de cette approche est généralement la création d’identique, je l’utilise plutôt comme point de départ ; c’est la résistance à cette matrice par la création d’individus distincts qui m’intéresse. Ceci constitue la raison pour laquelle mon travail s’effectue principalement en céramique. L’argile possède une mémoire, mais aussi une puissance, une possibilité et une volonté de dépasser le moule. En effet, une fois l’objet démoulé, celui-ci reste malléable ce qui me permet de le modifier et de lui donner l’existence unique qu’il demande. C’est ainsi qu’à l’image de tous vivants, mes formes tirent leur existence de la même matrice que leurs semblables. Mon travail est d’écouter l’œuvre et de lui donner les outils pour qu’elle devienne ce qu’elle souhaite à être. La liberté de l’œuvre et de l’être réside dans l’expression et l’exploitation de cette possibilité de singularisation.

     Pour la mise en espace, j’organise et dispose des œuvres afin de suggérer un paysage. Celui-ci accentue la singularité particulière de chacune des pièces par comparaison avec son prochain. L’installation, quant à elle, propose un monde immersif organique et organisé. Sa composition est analogue à celle d’une symphonie dans laquelle les œuvres plastiques remplaceraient les notes de musique. Il s’agit ici pour moi de proposer une nature qui serait de création humaine, tant par les individus qu’elle présente que par l’organisation qui les régis.

    C’est ainsi que mon travail propose une double lecture du concept de nature humaine. C’est en abordant celui-ci à la fois comme spécificité de l’humain et comme nature qui serait de création humaine, que mon travail questionne et témoigne de notre situation particulière et commune aux objets du monde.

    Finalement, il est capital que mes œuvres soient distribuées et poursuivent leur existence dans le domicile des gens. L’art se doit de remplacer la babiole vide de sens et compétitionner avec elle en usant de ses techniques. Dans ce monde, la valeur artistique et la valeur économique s’entrechoquent et exposent leur incompatibilité. En les vendant à des prix symboliques et dérisoires pour des oeuvres comme 19.99$ ou même 25 cents pour le contenu de la bonbonnière (fragments de céramiques) de l’exposition Pingo, ma démarche se propose comme un commentaire, une critique et une action sur le marché de l’art, sur l’accessibilité des œuvres et sur la nécessité alimentaire de s’en entourer.




“Non vraiment, cela m’intéresse, mais ne me suffit pas! J’en voudrais bien plus, bien bien plus.“